«D’ombres et d’images»
Pline l’Ancien, écrivain romain né en 23 après J.- C., a écrit que l’origine
de la représentation humaine se situerait en Grèce Antique. Ce mythe
raconte que la fille d’un potier de Corinthe – Dibutades – aurait dessiné
sur un mur avec un morceau de charbon, l’ombre du profil de l’homme
qu’elle aimait avant qu’il ne parte. L’homme meurt en voyage. L’artisan
réalise alors le modelage en terre de la tête de celui qu’aimait sa fille, à
l’aide du tracé de l’ombre de son profil dessiné sur le mur.
Au début du vingtième siècle, l’ombre devient constitutive de la composition
de nombreuses photographies modernes. Elle s’inscrit comme un sujet
autonome et non plus comme une surface sombre, servant à structurer les
lumières. Mais rares sont les peintres qui l’ont traité comme seul sujet.
L’ombre est avant tout un acte photographique. Lee Friedlander, dans les
années 1960, fut le premier à avoir intitulé l’image de son reflet et de son
ombre: Selfportrait. D’autres avant lui, comme Moholy Nagy l’ont photographiée
de manière plus formelle ou plus symbolique comme l’écrivain
suisse Gustave Roud, dès 1920.
Dans ce travail – Présences – l’ombre symbolise avant tout un être
humain à travers l’icône que forme la projection de mon corps dans des
espaces urbains ou naturels. Masculine mais aussi féminine, une forme intime
que chacun peut s’approprier. Simple, complexe, grotesque, opaque
ou transparente, déchiquetée, multipliée par sa projection à
travers les plans successifs : une marque fondamentalement humaine,
commune à chacun mais pourtant singulière.
Il est important que l’appareil photographique n’apparaisse pas,
au contraire de ce que la majorité des photographes ont déjà proposé,
accidentellement ou par choix. Ce n’est la présence du photographe qui
est exprimée dans cette démarche, c’est l’expérience de la temporalité d’un
humain de passage dans un lieu. Une situation, un instant.
Ces photographies sont des autoportraits, mais, depuis plus de quinze
ans, c’est avant tout la temporalité que j’expérimente. Singularité d’homme
d’images qui traverse des territoires.
Pour seul titre : la date et l’heure de la prise de vue.